Le défi Kabyle, un défi pour survivre
Par: Rachid C
« La Kabylie continuera à perdre du terrain à mesure qu’elle continue à produire des lâches plus déterminés dans leur lâcheté que ses héros dans leur bravoure. »
(Sur un petit bout de chemin de Si Mohand Ou M’hand)
Adolescent, j’avais eu l’occasion de lire les poèmes de Si Mohand rapportés et traduits au français par Mouloud Feraoun. À l’école, j’avais aussi apprécié les poètes de la « djahilia » arabe tels que Antar, Zuhir, Imraü Al Qaïs… J’avais enfin découvert que Antar, connu chez nos vielles comme étant la personnification de la force, était aussi un poète susceptible d’un amour infini. Cependant, si apprendre par cœur les poèmes de ces poètes arabes pouvait contribuer à nous propulser en classe supérieure, apprendre par l’unique voie de sa propre volonté la poésie de Si Mohand n’était pas “rémunérable”.
Les admirateurs des premiers récoltaient les dividendes et les admirateurs du second étaient considérés comme des diviseurs dans un rapport qui n’est jamais parfait pour que la part du berbère occupe une place, quelque part, au delà du dixième chiffre après la virgule. Cela contredisait inexorablement une publicité écrite avec insistance au stade du 5 juillet et qui disait : « Ils sont nés chez-nous, on peut leur faire confiance ». Je me reconnaissais aussi dans le semeur d’Hugo qui jetait, au crépuscule, la moisson future au sillon. Dans les terres de mon patelin que j’avais toujours imaginées semblables à « ces terres de nuit baignées », à la même heure, le soleil couchant projetait à partir de Ŧizi N’ Berber l’ombre de Vava Aissa le semeur sur l’écran de Ŧavutzaniŧ. J’avais à peine 15 ans et j’adorais le Sheriff dans les films western car j’avais cru, à tort, que, tout comme je me suis cru, comme son nom ne l’indiquait pas, qu’il était arabe.
Dans ce recueil de poèmes de Si Mohand, il y avait un poème que j’ai aimé beaucoup et dans lequel il décrivait sa lente marche, à l’aube entre Boudouaou et Thénia avec une escale à Ŧijellavin [1] alors que le soleil l’accompagnait à partir des collines. L’envie de visiter Boudouaou me gagna aussitôt et, de là, regagner Ŧijellavin par ses chemins qui montent vers elle, mentionnés par notre poète errant dans son sublime poème qui m’avait confiné jusqu’aux fins fonds de moi-même. Arrivé dans la ville, exténué qu’il était, il se laissa s’écrouler de toute sa fatigue sur une quelconque chaise du café de Ŧijellavin après s’être excusé, peu importe ses raisons, auprès des saints de ce monde. Sagesse poétique oblige, notre poète savait que comme tout homme dans la vie, il a dû commettre, au quotidien, des péchés qu’il a dû ignorer. Une sorte de marge de sécurité pour mettre de ses cotés le bénéfice du doute. Dans ce monde matériel à outrance, quand on n’a pas d’argent à dépenser, autant trouver une autre forme de dépense. Comme les physiciens parlent du système isolé comme d’un système qui n’existe pas, la dépense a toujours été un moyen fondamental pour communiquer, le prix à payer pour l’insertion sociale.
Au tout début de mon âge adulte, comme passager d’un train qui cédait le passage aux trains de marchandises destinés aux usines qui embauchaient pour ne pas chômer, j’avais quitté les monts qui bornaient ma Kabylie à la recherche d’une réalité que j’avais perdue dans mes manuels scolaires. L’hymne national algérien, avec tous les respects qui lui sont dus, ne me faisait pas vibrer aussi fort que la chanson de Farid Ali sur les airs de laquelle pleurait l’adorable femme de mon oncle au rappel de son mari et de ses deux fils tombés au champ d’honneur. Enfin, je ne comprenais pas « Kassaman », à cette époque, j’avais à peine 6 ans.
Après une douche à Boudouaou et un casse-croute pour l’énergie de liaison et, presque au bout de mes écus, j’ai abordé la route de Ŧijellavin dans les mêmes conditions de locomotion que Si Mohand U M’hand. La montée de Ŧijellavin se confirmait à mesure que je m’approchais de la ville. En face de moi qui montais, des voitures descendaient, parfois trop luxueuses qu’elles étaient trop loin de moi. Les gens qui étaient à l’intérieur se déplaçaient à des vitesses de l’ordre de dix fois plus grande que la mienne. Les voitures qui descendaient se croisaient avec celles qui montaient à des vitesses qui s’additionnaient au point que les chauffeurs n’avaient pas le temps de se reconnaitre. Comme moi, à l’instar de Si Mohand, je me tapais tout le soleil sur ma tête, eux, par leurs climatiseurs, avaient le contrôle sur les rayons du soleil. La loi du temps et des vitesses interdirait de parler d’eux et de moi dans le même système de référence. Les voitures qui se croisaient contenaient des gens qui n’avaient ni temps ni intérêt à me saluer. Pour eux, j’étais un homme qui marchait comme l’homo-erectus ; pour moi, ils étaient des créatures dans des engins métalliques. Pour nos automobilistes venus du futur, comme dans la machine à explorer le temps, j’étais là mais dans une autre époque.
Arrivé à Ŧijellavin, j’avais hâte de reprendre haleine dans l’un des cafés de la ville. Finalement, il n’ y en avait qu’un seul construit à l’ancienne mode, il paraissait si vieux qu’il y avait de fortes chances d’être celui qui avait accueilli, un siècle plus tôt, Si Mohand U M’Hand en chair et en os. La quasi totalité des tables était prise par les joueurs de dominos. Pour reproduire, à peu près, une ambiance à la Si Moh, altérée par les progrès de notre époque, j’avais commandé un café bien pressé auquel je devais adjoindre une bonne dose de nicotine pour, comme disait la pub, un plaisir complet. Si Mohand, dans sa poésie, parlait de sa pipe (asevsi) comme d’un fidèle compagnon, elle pouvait à elle seule servir de réponse à Lamartine que les objets inanimés auraient bel et bien une âme. Dans le brouhaha ambiant, j’avais tendu l’oreille pour capter une éventuelle discussion en kabyle mais en vain : De Ŧijellavin, il ne restait de kabyle que le nom. Les périphéries de la Kabylie n’ont cessé de reculer sous l’effet corrosif du panarabisme ravageur de l’identité berbère/kabyle. Une invasion menée tambours battants par des algériens arabisants contre l’Algérie authentique qui n’a pas honte d’elle-même et, au bout de laquelle, notre kabylité serait appelée à disparaitre dans la linéarité d’une arabisation tous azimut avec la complicité des Kabyles devenus ministres, à l’instar de ce bonhomme à la tête du ministère de l’arabisation, et qui a prénommé, comble de la supercherie, son fils Maziγ. Mais, vue l’universalité de la lâcheté, à chaque peuple son quota de lâches ; même la brave Amérique a eu son Benedict Arnold. Ce militaire désigné comme le symbole de la lâcheté par les Américains, avait rejoint les rangs de l’armée anglaise après avoir vendu son pays aux Anglais. Mais l’armée anglaise qui n’était pas dupe avait refusé de recruter ce militaire dans ses rangs, jugeant que celui qui a trahi les siens est en mesure de trahir tout le monde ; en vertu de l’adage « qui peut le plus, peut le moins ». A titre de reconnaissance envers sa trahison, l’Angleterre lui désigna une villa au Canada où il séjourna sans gloire pour le reste de ses jours. À l’inverse de l’armée anglaise, notre gouvernement, aujourd’hui, qui recrute n’importe qui, n’importe comment, semble être une collection de ces députés de paille qu’on allume à coup de titres et de primes et qui ne sont à la tête de leurs ministères qu’au prix de la trahison de leurs principes et de leurs partis respectifs. Notre quota de lâcheté qui fait qu’on est involontairement bien servis aujourd’hui, a créé des kabyles de service atteints de misère morale, capables, pour un statut quelconque, de vendre leur âme au diable.
La Kabylie continuera à perdre du terrain à mesure qu’elle continue à produire des lâches plus déterminés dans leur lâcheté que ses héros dans leur bravoure. À moins qu’un sursaut d’orgueil ou de dignité ne vienne faire barrage au processus de dépersonnalisation de la Kabylie, ses périphéries reculeront jusqu’à toucher le noyau. Là, se produiront les dernières réactions nucléaires d’une Kabylie sur le point de rendre l’âme à titre de légende dans ses siècles d’histoire. À l’instar des électrons libres dont on dit qu’ils ne font pas la matière, les Imaziγen qui signifient aussi les hommes libres finiraient-ils par disparaitre sans ne jamais créer de république ? À l’instar de Ŧijellavin, ne resterait-t-il de kabyle que le nom, au grand bonheur de l’insatiable esprit de conquête de l’empire arabe ? La Ŧamazγa qui, jadis, brillait comme une supernova des Iles Canaries jusqu’au Nil serait réduite à l’état de naine blanche qui n’existe que par ses hypothétiques ondes gravitationnelles. Une sorte de miroir géographique dont le passé ne répond plus. La Kabylie et son massif du Djurdjura seraient réduits à une simple colline oubliée que liraient à titre nostalgique les générations futures qui rougiraient sous la honte de leurs ancêtres qui n’ont pas su honorer ou conserver l’héritage pour lequel leurs héros s’étaient donnés la peine de mourir. Ainsi les traces de Si Mohand U M’hand qui ont reçu un sérieux coup de balai des moustaches de Boumediene seront soumises dans leur ultime benchmark à celles de Boutef et d’Ouyahia sous le regard lourd de conséquences émis de derrière une paire de verres, symbole de la myopie politique algérienne, où se trouvent deux orbites qui abritent, à l’abri du froid, l’autre paire d’ yeux appartenant à une personne glacée qui, pour trahir les siens, n’a jamais eu froid aux yeux.
Dans le pire des scénarios, notre cher Mouloud qui ne renaitra plus, verra son livre et son nom disparaitre des mémoires de ses hommes comme un Féraoun sans pyramide.
Au moment où nos émules kurdes se voient publier leur premier numéro du Monde Diplomatique dans leur propre langue, on se voit exclus des dédicaces présidentielles qui nous ont faits sentir que la victoire de l’équipe nationale dédiée aux arabes concernait plus un habitant du Yémen qu’un algérien d’Arris, de Ghardaïa, de Djanet ou deTizi-Ouzou. Si le pouvoir bâthiste s’entête à refuser de nous respecter, il est de notre devoir de le pousser au respect, et qui d’autre le ferait à notre place ? En attendant, Il faut crier sans relâche et de toutes nos forces pour que le monde entier entende notre présence et prouver notre volonté à continuer d’exister dans les gènes que Dieu nous a affectés et dont il ne revient à aucun homme de pouvoir effacer. Le silence c’est la mort ou comme disent les arabes, eux-mêmes, c’est signe de consentement (assukut âlamat arridha). Un consentement à disparaitre.
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